Et oui, je vais moi aussi vous parler de la fameuse tablette d’Apple annoncée en janvier dernier et tout juste sortie aux USA, qui monopolise l’attention de la presse et des réseaux sociaux en ce moment. 2009 ayant été une année plutôt pauvre en nouveautés ou annonces fracassantes pour la firme à la pomme, tout le monde attendait au tournant l’annonce officielle de cette tablette lors d’une cérémonie spéciale officiée par un Steve Jobs plus charismatique que jamais. Malheureusement pour lui, à la fin de sa présentation, l’excitation des invités a fait place a un scepticisme prononcé et ce ne sont pas les yeux hypnotisants de Scott Forstall qui leur feront changer d’avis.

Pour ceux qui n’en auraient jamais entendu parler, l’ iPad est une tablette à écran tactile. Ce n’est pas un nouveau concept puisque de nombreuses marques ont déjà tenté de lancer ce genre de produit sans succès au cours de ces 10 dernières années, à commencer par Apple lui-même avec son Newton sorti en 1993. Sans oublier les récents “Tablet PC” à base de technologies Microsoft qui ont connu un échec tout aussi cuisant. La tablette d’Apple est sensée être une incarnation viable de ce concept, se positionnant au niveau des prix et de la taille face aux netbooks, ces mini ordinateurs portables bon marché, mais aussi face aux livres électroniques tels que le Kindle d’Amazon. Autant dire que les fans de la marque ont mis beaucoup d’espoir dans ce joujou que voici aujourd’hui dévoilé au grand jour.

Le nom du produit, “iPad”, n’est certainement pas la meilleure trouvaille de la firme. Il ressemble tellement à “iPod” que la seule voyelle qui les sépare pourra facilement être confondue. Mais lorsqu’on en apprend un peu plus sur ce nouveau produit, on finit par se dire que la ressemblance des noms n’est peut-être pas fortuite.

En effet, première grande déception: l’iPad n’est pas un Mac. Il ne peut donc pas exécuter les applications courantes pour Mac OS X. Il s’agit en réalité ni plus ni moins d’un iPod Touch grand format, propulsé par le même système d’exploitation que celui des désormais célèbres iPhone et iPod Touch. Mis à part la taille de l’écran et un CPU plus puissant, il possède les mêmes limitations qu’un iPod Touch, à savoir:

  • Un système d’exploitation pour appareils mobiles, ne permettant d’exécuter qu’un seul programme à la fois pour l’instant (ceci changera prochainement);
  • L’absence d’emplacement pour cartes mémoires;
  • L’impossibilité d’ajouter de la musique ou des vidéos sans passer par le logiciel propriétaire iTunes sous Windows ou Mac OS X;
  • L’impossibilité d’installer des applications en dehors de l’App Store qui est contrôlé et censuré par Apple (sauf si on “jailbreake” l’appareil, lorsque cela est possible);
  • Et bien entendu la nouvelle tradition d’Apple: l’impossibilité de remplacer la batterie sans un retour à l’usine.

Ce n’est pas un iPhone non plus, donc il ne possède pas de fonction téléphone ni de GPS. Pas de webcam ou d’appareil photo non plus dans un premier temps, ce qui en a déçu beaucoup: la vidéoconférence sera impossible par exemple. Au niveau connectivité, l’iPad dispose du WiFi, du Bluetooth ainsi que la 3G en option.

Reste donc un bel appareil très fin avec un grand écran de 9,7 pouces affichant une résolution de 1024×768 pixels, à la fois trop grand pour rentrer dans une poche et trop limité techniquement pour faire office de micro-ordinateur complet. Le CPU créé sur mesure est cadencé à 1 Ghz.La tablette peut être tenue dans toutes les positions et l’image s’oriente automatiquement en fonction de l’orientation courante grâce aux accéléromètres intégrés. La saisie de texte se fait via un large clavier tactile affiché sur l’écran en mode paysage. Il est également possible d’utiliser un clavier externe via Bluetooth. L’autonomie maximale annoncée est de 10 heures en utilisation légère, telle que la lecture de livres électroniques.

L’iPad est heureusement compatible avec l’ensemble des applications existantes pour iPhone et iPod Touch. Cependant, puisque son écran est beaucoup plus grand que celui des autres appareils, l’affichage de ces applications doit être soit centré et entouré d’énormes bordures noires, soit étiré et flou car ne profitant pas de la résolution native de l’écran.

L’iPad est également capable d’exécuter un nouveau type d’applications développées tout spécialement pour lui et tirant parti de son grand écran tactile et de son CPU plus puissant. Apple a d’ailleurs ré-écrit pour l’occasion toutes les applications de base de l’appareil en les dotant d’une interface tactile plus élégante et naturelle que jamais: le logiciel de messagerie, le lecteur multimédia, l’album photos, le calendrier, le logiciel de cartographie et bien entendu le navigateur web Safari qui offre une expérience de surf vraiment agréable, même si l’intégration du plug-in Flash d’Adobe n’est toujours pas à l’ordre du jour (mais ceci est une autre histoire).

Une nouvelle application spéciale disponible gratuitement sur l’App Store permet la lecture de livres électroniques ainsi que leur achat directement depuis un nouveau magasin en ligne: l’E-Book Store. Le format ouvert EPUB est supporté, contrairement au Kindle. Autres points forts par rapport à la concurrence: l’écran affiche des couleurs et une haute luminosité et l’interface de lecture naturelle simule au mieux les sensations d’un vrai livre. Cela suffira-t-il pour que l’iPad s’impose comme le livre électronique de référence? L’avenir nous le dira.

Sont également disponibles, mais à $10 la pièce cette fois, les versions iPad des applications bureautiques d’Apple: Pages, Numbers et surtout Keynote. Leur nouvelle interface est d’une qualité tout aussi exemplaire.

Alors, tout ce brouhaha de la presse autour de l’iPad est-il justifié? De prime abord, on peut dire que l’iPad n’a rien de révolutionnaire et n’apporte pas grand chose par rapport à l’iPod Touch (qui, lui, rentre dans une poche). Mais un grand écran et un processeur plus puissant ouvre l’accès à une toute nouvelle classe d’applications tactiles, et avec le savoir-faire d’Apple en matière d’interface utilisateur, on obtient une tablette semblant débarquer tout droit du futur. Il faut voir et tester l’engin dans des conditions réelles comme j’ai pu le faire pendant quelques minutes pour comprendre de quoi il s’agit. L’appareil répond au quart de tour à la moindre interaction, l’écran est superbe malgré sa résolution plutôt moyenne, et l’interaction avec les doigts se fait de façon tellement naturelle qu’elle paraît presque magique. C’est la première fois qu’il est réellement possible d’utiliser ses doigts sur un écran d’appareil mobile pour réaliser les mêmes choses qu’avec un clavier et une souris sur ordinateur, mais de façon plus directe et naturelle. Impressionnant.

Son prix aussi est plutôt intéressant puisque le modèle de base avec 16 Go de mémoire de stockage est proposé à $500 aux Etats-Unis. Le prix européen n’est pas encore connu mais on peut estimer qu’il avoisinera les 500 EUR. La version avec 64 Go de mémoire de stockage coûte $200 de plus et l’option 3G est facturée $130. Il sera en vente dès la fin avril dans nos contrées. On peut dire que le prix se positionne plutôt bien par rapport au Kindle DX d’Amazon et aux netbooks, même si un netbook offre bien plus de possibilités à prix égal.

L’iPad survivra-t-il? Pour ma part, je pense toujours que c’est surtout un effet de mode dans l’état actuel des choses. Il risque bien de faire de l’ombre à Amazon et son Kindle et son interface est vraiment une merveille à utiliser, mais cet appareil est beaucoup trop limité et fermé pour remplacer un véritable ordinateur à utiliser sur le pouce. Apple vient encore de mettre de nombreux développeurs en colère en annonçant qu’il n’accepterait aucune application créée avec d’autres outils que les siens, faisant une croix sur celles créées à l’aide de Flash, MonoTouch ou Unity par exemple, mêmes si les conditions de cette interdiction restent à éclaircir. Ceci nuira quand même considérablement à l’adoption de la plate-forme iPhone et iPad.

J’attends également avec impatience les tablettes concurrentes basées sur le système d’exploitation mobile Google Android qui feront leur apparition plus tard dans l’année. À prix égal, elles offriront des possibilités nettement plus étendues, sans oublier que la quasi totalité des applications Android existantes sont déjà nativement compatibles avec toutes les tailles d’écran, même si des applications spécialement conçues pour les grands écrans offrent toujours un plus grand confort d’utilisation. Attendons de voir ce que l’iPad a à nous offrir par rapport à cette future concurrence avant de nous précipiter dessus. Bravo quand même à Apple pour cette belle concrétisation du concept de la tablette tactile du 21e siècle.

Christophe Beyls