Je visionne beaucoup de films et l’année 2014 fut un excellent cru. Parmi mes préférés, certains sont sortis discrètement voire pas du tout dans les salles belges. Je tenais à faire une liste de tous les films sortis cette année qui m’ont marqué, avec mon avis personnel. Ceci est bien entendu totalement subjectif et il est possible que vous détestiez certains d’entre eux, mais je serai néanmoins ravi si j’arrive à vous faire découvrir quelques perles. Voici donc la liste de mes 18 films favoris de 2014, sans ordre particulier.

Birdman

Birdman est le nouveau film d’Alejandro Gonzalez Inarritu, réalisateur mexicain au parcours cinématographique jusqu’ici sans faute. Il raconte la vie de Riggan (Michael Keaton), acteur paumé un brin dépressif, célèbre pour avoir jadis incarné un super-héros au cinéma, qui tente de prouver qu’il peut être un véritable acteur en montant une pièce de théâtre à Broadway. La quasi-totalité du film nous montre l’histoire de son point de vue, nous faisant même entendre sa voix intérieure et voir ses hallucinations. C’est visuellement impressionnant, filmé caméra à l’épaule sous la forme d’un seul plan continu du début à la fin, qui assure une fluidité remarquable au scénario. Les acteurs sont tous impeccables, avec une mention spéciale pour Emma Stone en fille rebelle et Edward Norton en acteur impulsif et obsessionnel. On y voit aussi Zach Galifianakis relativement méconnaissable dans un rôle plus sérieux qu’à son habitude. La musique consiste uniquement en des percussions et donne un cachet particulier au film tout en se faisant discrète quand il le faut. C’est également un captivant hommage au métier d’acteur, nous montrant en permanence l’envers du décor. “Birdman” plaira sûrement au plus grand nombre même s’il ravira surtout les amateurs d’intrigue vacillant entre réalisme et surréalisme.

Predestination

Predestination est un film original sur le thème du voyage dans le temps. L’effet de surprise est son atout majeur donc évitez à tout prix de vous renseigner sur l’histoire avant de le regarder. Sachez simplement qu’il s’agit d’un film passionnant dont le scénario est construit autour d’un paradoxe temporel, mettant en scène un agent à l’aube de la retraite (Ethan Hawke) chargé d’une ultime mission consistant à arrêter un terroriste insaisissable en voyageant à travers les époques. L’histoire s’assemble comme un puzzle et la majorité du début du film est constituée de flash-backs permettant de mieux cerner les personnages, tandis que la deuxième partie est une sorte d’enchaînement implacable d’événements. Après l’avoir vu, “Predestination” mettra probablement à mal votre cerveau et vous fera réfléchir pendant un certain temps sur ce que vous venez de voir. Si vous n’aimez pas les paradoxes et les films de type “mind-fuck”, évitez de le regarder car vous allez probablement rejeter l’histoire en bloc. Les effets spéciaux et les scènes d’action sont peu nombreux mais tout le film est porté par son histoire originale et le jeu de ses quelques acteurs, en particulier Sarah Snook qui est méconnaissable et époustouflante. Ce film peut également être interprété comme une réflexion profonde et traumatisante sur la solitude.

The Grand Budapest Hotel

The Grand Budapest Hotel est le dernier film de Wes Anderson au moment où j’écris ces lignes, et probablement l’un de ses meilleurs. Il s’inscrit directement dans la lignée de ce que fait habituellement ce réalisateur de talent, à savoir qu’il met en scène des personnages hauts en couleur sur le ton de la comédie et de l’aventure avec des visuels à la symétrie parfaite et aux mouvements de caméras à la précision chirurgicale. Chaque image fourmille également de détails et de contrastes ce qui rend déjà ce film très attrayant rien que pour son aspect artistique et technique. À noter aussi que le format des images alterne entre le 4/3 pour les scènes se déroulant dans le passé et le 16/9 pour les scènes du présent. L’histoire retrace le parcours de Gustave H. (Ralph Fiennes), concierge d’un prestigieux palace au début des années 1930 qui va se retrouver impliqué avec son jeune apprenti “Zero” dans une sombre histoire d’héritage et de complot. Poursuite à ski, fusillade, évasion de prison: tous les ingrédients sont présents pour rendre cette aventure mémorable. On y retrouve l’ensemble des acteurs habituels des films d’Anderson ainsi que quelques nouvelles têtes et chacun incarne parfaitement son personnage. La musique est vivante avec une petite touche féérique, composée en grande partie de sonorités de balalaïkas qui lui procure un charme ancien. Un film rafraîchissant destiné à toute la famille, qui se regarde comme on déguste une friandise.

Nightcrawler

Nightcrawler décrit l’ascension de Lou Bloom (Jake Gyllenhaal), un ambitieux petit escroc de Los Angeles devenu reporter cameraman filmant des scènes d’accidents et de crimes pour les revendre à une chaîne de TV locale, Channel 6. Le film met en avant le caractère manipulateur et impitoyable du personnage et montre la frontière ténue entre entrepreneur à succès respecté et véritable psychopathe. Contrairement à la caméra de Lou qui reste pointée sur les images choc qu’il capte, dénuées de tout contexte, la caméra du réalisateur Dan Gilroy (qui signe ici son premier film) se détourne pour nous montrer le visage fasciné et souriant de Lou qui n’éprouve aucun remords à manipuler des scènes de crime à son avantage ou cacher des informations à la police. Il est également incapable d’empathie pour les autres personnages du film qu’il côtoie, à savoir son assistant sous-payé Rick (Riz Ahmed) sur lequel il passe ses nerfs et la directrice des programmes de Channel 6, Nina (Rene Russo, épouse de Gilroy) qu’il tente de séduire de façon assez misérable bien qu’elle soit fascinée par son “talent”. Vous l’aurez compris, Gyllenhaal porte tout le film à lui tout seul et aurait mérité une nomination aux Oscars pour ce rôle. Le film est également une piquante satire du monde des média de l’information qui déforme complètement la réalité pour faire dans le sensationnalisme pur. Les images sont impeccables, avec des plans de caméra parfois impressionnants pendant les quelques scènes d’action et comportent de belles séquences de conduite de nuit qui rappellent celles de “Drive”. La musique est discrète, composée majoritairement de guitares électriques et souligne bien les moments importants de l’histoire. Nightcrawler est un film relativement violent au message important.

Coherence

Coherence est un film de science-fiction qui n’en est pas vraiment un. Il est caractérisé par une histoire complexe et un très petit budget, ce qui le rend semblable à “Primer”. Il se déroule à notre époque et ne comporte pas d’effets spéciaux numériques. Là où Primer décrivait le voyage dans le temps de façon quasi-scientifique, Coherence décrit la possibilité de l’existence de plusieurs univers parallèles. Un groupe de 8 amis aux relations complexes se donne rendez-vous pour une soirée chez l’un deux, lorsqu’une comète passe et va provoquer une panne électrique et perturber la réalité autour d’eux. Ils vont alors commencer à enquêter sur leur voisinage et découvrir des choses sur leurs amis et les événements passés et futurs de leur soirée agitée. Même s’il n’y a pas de notion de voyage dans le temps, la chronologie est particulière et importante. L’histoire est un véritable puzzle qui demande d’être attentif/attentive en permanence pour comprendre ce qui se passe à l’écran. Bien que complexe, le film ne nécessite qu’une seule vision pour être compris, même si une deuxième vision vous révélera des détails importants de l’histoire que vous manquerez sûrement la première fois. La majorité des scènes se déroule en intérieur et est filmée caméra à l’épaule, ce qui accentue la sensation de huis clos et la paranoïa qui forment le coeur de ce film. Les acteurs ne brillent pas particulièrement mais remplissent leur rôle. Une bonne surprise pour les amateurs de casse-tête et de drames relationnels.

Interstellar

Interstellar était le blockbuster cérébral à voir en fin d’année. Il s’agit du dernier film de Christopher Nolan (réalisateur de “The Dark Knight” et “Inception”), encore co-écrit avec son frère, qui s’essaye ici à la science-fiction spatiale “humaniste”. En effet, ce film s’intéresse plus au sort de l’humanité et aux relations des différents personnages, en particulier par rapport au temps qui s’écoule de façon différente entre eux, qu’à l’exploration spatiale elle-même. Interstellar nous raconte l’histoire d’un brillant pilote (Matthew McConaughey) qui décide d’abandonner sa fille adorée (et son fils dont il s’en fout) pour partir en mission spatiale privée à la découverte d’une nouvelle planète habitable ce qui permettrait de sauver l’humanité mourant à petit feu sur une terre empoisonnée. Le rythme est lent, en particulier au début du film quand les personnages sont présentés avec de nombreux détails à priori sans aucun rapport avec la quête spatiale qui va suivre mais qui prendront tout leur sens (si on peut dire) à la fin. Le moment clé de la fin apporte d’ailleurs une explication métaphysique tirée par les cheveux à l’histoire, à la manière d’un film de M. Night Shyamalan, et ne plaira pas à tout le monde. Les fans de SF noteront qu’Interstellar comporte de nombreuses références à 2001 telles que l’aspect des vaisseaux, mais aussi à Rama (une autre série d’Arthur C. Clarke) et les effets spéciaux sont impeccables et au service de l’histoire et non l’inverse. Les paysages des planètes visitées sont à couper le souffle. La musique de Hans Zimmer est comme toujours magistrale, composée d’orgues parfois assourdissants et restera probablement dans votre tête quelques heures ou quelques jours après votre vision du film. Dans l’ensemble c’est un bon Nolan même s’il faut admettre que l’histoire est au final assez bateau et que le film n’innove pas beaucoup.

Under the Skin

Attention: Under the Skin est un OVNI, un film expérimental et étrange sorti ne nulle part. Ca tombe bien, il parle justement d’une extra-terrestre dont on ne sait rien qui arrive sur terre pour consommer des humains après avoir pris une apparence humaine. Elle est interprétée de façon fascinante par Scarlett Johansson qui tient ici l’un de ses meilleurs rôles. Oubliez donc ses prestations dans “Lucy” ou “Captain America 2” sortis également cette année. Notre extra-terrestre, Laura, se balade au volant d’une camionnette en Écosse, repère ses proies, les séduit, et finit par les emmener dans sa tanière à l’intérieur d’une maison abandonnée, un lieu hors de notre dimension où elles finiront réduites à l’état d’enveloppes charnelles. L’aspect visuel du film est très léché, en particulier durant ces scènes de mort qui sont esthétisées à l’extrême avec des effets qu’on voit rarement au cinéma. Les plans sont longs et contemplatifs et nous mettent presque dans la peau de Laura: on observe la vie suivre son cours dans les rues d’Écosse d’un point de vue complètement détaché, comme si on redécouvrait la race humaine. Tout d’abord totalement insensible, Laura va progressivement faire des expériences et maladroitement tenter d’éprouver de l’empathie pour ces humains dont elle ne sait rien. L’inquiétante musique de Mica Levi contribue beaucoup à l’ambiance glauque et bizarre de l’ensemble. Lent et dérangeant, ce petit bijou ne conviendra certainement pas à tout le monde mais son atmosphère unique et son interprétation captivante nous faisant redécouvrir notre propre humanité en font un film à expérimenter par tous les amateurs de cinéma.

Gone Girl

Gone Girl est un thriller de David Fincher, adapté du livre “Les apparences” de Gillian Flynn. Si vous connaissez Fincher, vous savez qu’il s’y connaît dans le domaine du thriller, et ici encore il ne déçoit pas. On suit l’histoire de Nick Dunne (Ben Affleck) qui enquête sur la disparition de sa jolie et mystérieuse femme Amy (Rosamund Pike) le jour de leurs 5 ans de mariage. Le couple, en apparence modèle, révèle tous ses secrets au fil de l’enquête ce qui change complètement la donne à plusieurs reprises durant le film. C’est là l’atout principal de “Gone Girl”: son suspense croissant et ses révélations qui imposent une remise en question de tout ce qui a été vu précédemment jusqu’à la moitié du film où l’histoire prend véritablement son envol. Celle-ci explore avec brio les thèmes du mensonge, de la manipulation ultime et de la trahison et offre au passage une critique implacable des médias qui couvrent l’enquête du début à la fin. La mise en scène est efficace, la musique est discrète mais souligne bien les scènes-choc et les acteurs sont convaincants, en particulier Rosamund Pike. Un thriller qui fera date.

The Raid 2

Quand j’ai enfin eu la chance de voir The Raid 2 de Gareth Evans, j’ai été subjugué. Il s’agit probablement du meilleur film d’action de ces 10 dernières années. L’histoire suit toujours Rama, policier solitaire héros du premier film du même nom qui doit cette fois s’infiltrer dans la mafia indonésienne après être passé par la case prison afin de gagner la confiance du fils d’un chef de gang. Là où le premier film disposait d’un budget limité et se déroulait intégralement dans un immeuble, The Raid 2 explose tous les compteurs et capture les environnements les plus variés avec une photographie impeccable. Chacune des nombreuses scènes d’action du film est culte, chorégraphiée au millimètre près, mise en scène de façon exceptionnelle et présente des combats originaux d’une violence débridée (âmes sensibles s’abstenir). Il suffit de regarder les vidéos de making-of de ces scènes pour terminer de se convaincre de la passion animant l’équipe qui a réalisé ce film et de l’énorme travail accompli. La qualité des scènes de combat repose presqu’intégralement sur la performance de l’acteur fétiche d’Evans, Iko Uwais, qui enverrait Bruce Lee se rhabiller. Le meilleur est gardé pour la fin, où notre héros va devoir affronter à lui seul tour à tour tous les assassins les plus charismatiques du film, un peu comme un jeu vidéo se terminant par un enchaînement de boss. Il a fallu 6 semaines au réalisateur pour mettre au point la dernière scène de combat qui dure 6 minutes. Si vous êtes amateur du genre, The Raid 2 est votre nouvelle escale obligatoire.

The Lego Movie

“Everything Is Awesome !” Voilà une chanson que vous aurez du mal à sortir de votre tête après avoir vu le déjanté “The Lego Movie”. C’est à mon humble avis le film d’animation le plus réussi de l’année, devant les très classiques “How To Train Your Dragon 2” ou “Big Hero 6” qui lui ont injustement volé la vedette aux Oscars. Ce film Lego raconte une histoire totalement imprévisible avec une galerie de personnages plus improbables les uns que les autres: Batman, C-3PO, un mage, un chat-licorne, … Le tout est servi par des images superbes et des voix d’acteurs connus tels que Morgan Freeman, Liam Neeson, Chris Pratt ou Will Ferrell. L’histoire suit Emmet, le personnage Lego en apparence le plus banal et ordinaire, qui est désigné comme l’élu qui sauvera l’univers Lego de la tyrannie de “Lord Business” et son armée de robots. Les réalisateurs et scénaristes de ce petit bijou d’originalité ne sont autres que Phil Lord et Chris Miller, à qui on doit déjà l’excellent “Cloudy with a Chance of Meatballs” (premier du nom). Les qualités les plus admirables de ce film sont sa capacité à surprendre en permanence, son humour décalé, ses nombreuses références cinématographiques et culturelles et le message qu’il véhicule pour nous dire de garder notre âme d’enfant. Paradoxalement, le méchant du film symbolise le capitalisme et la société de consommation, alors que Lego est précisément l’une des marques de produits les plus puissantes au monde. Autodérision ou plan de domination machiavélique? Je vous laisse juger par vous-même mais ce qui est certain c’est que ce film d’animation par moments éreintant a la capacité de distraire, faire sourire et émerveiller comme pas deux.

Jodorowsky’s Dune

Jodorowsky’s Dune est un documentaire captivant destiné à tous les amateurs du septième art. Le réalisateur chilien anticonformiste Alejandro Jodorowsky nous raconte sa carrière et en particulier le film de sa vie: sa tentative d’adaptation du fameux roman de science-fiction “Dune” de Frank Herbert dans les années 1970. Ce documentaire fascine pour bien des raisons: tout d’abord pour la personnalité singulière de Jodorowsky, son enthousiasme et sa foi démesurée en ce projet (“We will change the world !”), et l’équipe d’artistes bourrés de talent qu’il a réussi à réunir autour de lui: Jean Giraud (Moebius), Orson Welles, les Pink Floyd, Mick Jagger, Salvador Dali et un artiste suisse encore inconnu à l’époque: H.R. Giger. Il nous présente enfin le résultat de ce long travail de pré-production: le volumineux script et ses storyboards de ce film beaucoup trop ambitieux pour son époque (sans compter qu’il aurait duré 14h) dont une copie fut envoyée à chaque studio et inspira d’autres films tels qu’Alien, Star Wars ou Terminator. La seule façon de rendre vraiment justice à “Jodorowsky’s Dune” est de le regarder vous-même et si vous aimez le cinéma, la science-fiction ou les Artistes avec un grand “A”, nul doute que vous tomberez sous son charme.

Edge of Tomorrow

“Vivre, mourir, répéter”: le slogan du film résume bien l’idée de base de son scénario. Nous avons droit ici à un blockbuster d’été, qui pour une fois est un blockbuster intelligent au scénario très bien ficelé. Cela fait plaisir de revoir Tom Cruise tenir le rôle-titre dans un bon film de science-fiction après le décevant Oblivion de 2013. Il interprète William Cage, un commandant de l’armée n’ayant jamais combattu de sa vie, envoyé au casse-pipe pour affronter des extra-terrestres ayant envahi la terre dans un futur proche. Il mourra rapidement mais reviendra ensuite une journée dans le passé à sa plus grande surprise, condamné à revivre encore et encore les mêmes moments jusqu’à sa mort/résurrection quasi-inéluctable. Il va alors s’améliorer au combat et mener son enquête sur ce qui lui arrive et comment mettre fin à la menace extra-terrestre, en recrutant au passage de façon répétée et accélérée sa mystérieuse partenaire Rita Vrataski (Emily Blunt) à qui il est arrivé une expérience similaire dans le passé. Outre les effets spéciaux impressionnants et les scènes d’action futuristes qui répondent parfaitement aux attentes d’un tel blockbuster, le film excelle surtout dans sa narration très particulière et son humour omniprésent. Certes le concept de boucle temporelle n’est pas nouveau et a été popularisé au cinéma avec le film “Groundhog Day” en 1993, mais ici l’effet de surprise est permanent et les ellipses et l’humour de répétition sont toujours bien utilisés. L’aspect le plus intéressant du scénario est que lorsqu’une nouvelle scène est dévoilée, le spectateur, qui s’identifie souvent à Rita qui vit tout pour la première fois, ne sait jamais si le héros l’a déjà vécue auparavant et répète un plan pré-établi ou s’il improvise totalement, ce qui donne lieu à des situations assez rocambolesques. Un cocktail efficace de science-fiction, d’action et de second degré.

Blue Ruin

Blue Ruin est un thriller sombre racontant le destin d’un homme en quête d’identité et de vengeance. Cet homme c’est Dwight (Macon Blair), qui vit comme un vagabond et dort dans sa voiture depuis des années jusqu’à ce qu’il apprenne que l’assassin présumé de ses parents, Wade, va être libéré de prison. Il décide alors de le suivre pour accomplir sa vengeance. Ceci va mettre en place un enchaînement d’événements menant à une véritable guerre entre lui et la famille de Wade, alors qu’il redécouvre peu à peu qui il est et qui étaient ses parents. Macon Blair interprète de façon singulière et mémorable cet homme blessé qui tente de reprendre le contrôle de sa vie au prix d’actes de violence auxquels il n’est pas habitué. Le film est plutôt lent, intense et ponctué de scènes brutales et gore à la limite du burlesque, ce qui a pour effet de maintenir le spectateur en état de tension permanente. Blue Ruin dresse de façon plus générale le portrait désabusé d’une société américaine en dérive et sa relation particulière aux armes à feu. La photographie est tout simplement superbe, ce qui est d’autant plus remarquable que le directeur de la photographie n’est autre que le jeune réalisateur et scénariste du film, Jeremy Saulnier. On attend avec impatience son prochain projet.

The Congress

Dans The Congress d’Ari Folman (“Valse avec Bachir”), Robin Wright interprète son propre rôle. Sauf qu’ici, elle n’est pas une actrice à succès qui joue dans “House of Cards” mais une actrice sur le déclin, contrainte par son studio à prendre sa retraite après avoir accepté d’être intégralement “scannée” numériquement afin de créer un double numérique qui jouera dorénavant à sa place. Elle profite alors de son temps libre pour s’occuper de son fils atteint d’une grave maladie. 20 ans plus tard, elle est invitée au congrès de futurologie organisé par le même studio qui a évolué en puissante multinationale désormais également active dans l’industrie pharmaceutique. Lors de ce congrès, une drogue révolutionnaire est présentée, qui plonge les gens dans des hallucinations collectives ayant l’aspect de dessins animés où chacun peut devenir qui il souhaite. C’est là que le film part complètement en vrille et se transforme en film d’animation qui tient plus du gros trip sous LSD qu’à du Walt Disney. On peut aimer ou détester, mais les images oniriques présentées ne laissent pas indifférent et l’animation est d’une grande beauté. Malgré quelques longueurs et situations bizarres et une narration qui met parfois le spectateur en déroute, il y a beaucoup à apprécier dans l’univers de The Congress. On y croise aussi de nombreuses références à des personnalités ou acteurs connus. S’il est dommage que le film explore peu l’idée de départ de l’actrice remplacée par son double numérique, il se rattrape en nous présentant un univers futuriste où les multinationales ont pris le contrôle de l’humanité, qui préfère échapper à la dure réalité et fuir ses responsabilités par la consommation de masse. Certes les idées présentées ne sont pas nouvelles mais leur mélange détonant avec l’univers visuel très particulier de ce film en valent le détour.

Dallas Buyers Club

C’est l’histoire d’un cowboy du Texas qui brûle la vie par les deux bouts dans les années 1980. Ron Woodroof (Matthew McConaughey) aime le rodéo, le jeu, les femmes et l’alcool. Sa vie de marginal lui convient bien jusqu’à ce qu’elle bascule après qu’on lui annonce qu’il est séropositif et n’a plus que 30 jours à vivre. À l’époque le SIDA est tabou, peu connu des médecins et associé principalement à l’homosexualité. Ron, qui est plutôt du genre homophobe au caractère bien trempé, rejette d’abord violemment son diagnostic puis va se retrouver malgré lui dans un milieu radicalement différent de ce qu’il connaissait. Il va apprendre à accepter son état, à survivre et à se battre pour les gens que jadis il méprisait tant. Grâce à sa ruse il va dénicher des bons plans pour traiter la maladie et mettre sur pied un petit business officieux de soins aux malades, concurrençant au passage les hôpitaux qui ne le voient pas d’un très bon oeil. Il sera soutenu et aidé par un transsexuel drogué nommé Rayon (Jared Leto) et un médecin rebelle à qui il fait du charme (Jennifer Garner). Tout le film repose sur les prestations magistrales de McConaughey et Leto qui n’ont pas hésité à devenir squelettiques pour être plus crédibles dans leurs rôles. À tel point que quand on voit Ron s’évanouir à l’écran, on a vraiment mal pour lui. Oscars amplement mérités pour les deux acteurs, donc. McConaughey, très en forme en 2014 (on l’a aussi vu dans “True Detective” et “Interstellar”), remporte ici le prix du meilleur acteur. Jared Leto quant à lui ressort vainqueur dans la catégorie “meilleur second rôle masculin” pour ce rôle plutôt féminin. C’est pour eux qu’il faut voir ce film qui devrait restaurer votre foi en l’humanité.

Snowpiercer

Quand j’ai vu les affiches de ce film lors de sa discrète sortie en salles chez nous, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un film pour enfants traitant une nouvelle fois du thème du train partant à l’aventure dans des paysages enneigés. Mais ne le confondez surtout pas avec le “Polar Express”: Snowpiercer est un film adulte, violent et parfois sanglant. Il s’agit de l’adaptation assez libre d’une bande dessinée française de science-fiction post-apocalyptique. Le réalisateur n’est autre que Bong Joon-ho (“Memories of Murder”, “The Host”) qui signe encore ici un grand film captivant. L’idée de base est simple mais efficace: un train en mouvement perpétuel transporte les derniers survivants de l’humanité après qu’une catastrophe climatique ait plongé la terre dans une nouvelle ère glaciaire. Les luxueux wagons de tête accueillent les plus hautes classes de la société, tandis que les pauvres et les miséreux s’entassent dans les wagons de queue sans fenêtres, sous contrôle militaire. Parmi ces pauvres, un certain Curtis (Chris Evans, qui joue enfin autre chose que Captain America) lance une rébellion et tente de mener un groupe jusqu’à l’avant du train afin de prendre le contrôle de la locomotive. Leur parcours sera évidemment semé d’embûches et de rencontres. La structure très linéaire du scénario qui progresse de wagon en wagon révèle un deuxième niveau de lecture beaucoup plus riche qui reflète les différentes facettes de l’humanité à travers ce microcosme. Le film comporte pas mal d’incohérences (notamment dans la conception du train) mais on lui pardonnera volontiers, principalement grâce à son atout majeur qui est son style graphique très fouillé. La mise en scène et les décors sont magnifiques, à commencer par le train lui-même qu’on voit à peine au début et qui se dévoile petit à petit dans toute sa splendeur, chaque wagon ayant sa propre identité visuelle. Le tout est ponctué de quelques scènes d’action très inventives, dont un combat dans le noir et une fusillade dans un virage. Enfin, la musique de Marco Beltrami colle parfaitement à l’image et sait se faire discrète pour mieux ponctuer certains passages. Snowpiercer est un petit bijou qui a de quoi séduire tout amateur de cinéma post-apocalyptique.

Whiplash

À seulement 19 ans, Andrew est passionné de jazz et intègre la plus prestigieuse école de musique du pays dans le but de devenir l’un des meilleurs batteurs de sa génération, à l’image de son idole Buddy Rich. Il parvient à attirer l’attention de Terence Fletcher, qui dirige le meilleur orchestre de l’école, et à intégrer son groupe. Il va vite découvrir que Fletcher est un professeur tellement strict et intraitable qu’on pourrait facilement le confondre avec un psychopathe en puissance et la formation d’Andrew va rapidement se transformer en un long sentier de torture entre excellence, humiliations et insultes. Il faut souligner aussi que le vocabulaire fleuri de Fletcher n’a rien à envier à celui du sergent instructeur Hartman dans “Full Metal Jacket”. Malgré cela, notre héros est prêt à tout pour atteindre le sommet, même s’il doit y laisser sa santé mentale et sa petite amie et finir les répétitions en sueur avec les mains en compote. Il va y avoir du sang sur les cymbales ! Whiplash est un film aussi original qu’inattendu, qui prend directement aux tripes avec sa musique percutante de bout en bout et ses deux acteurs habités par le Démon. Si les amateurs de jazz en feront indubitablement un de leurs films de chevet, il n’est pas nécessaire d’aimer ce type de musique pour apprécier son message universel qui parle de passion, d’obsession et de la limite ténue entre perfectionnisme et cruauté pure. Le scénario réserve également quelques retournements de situation qui devraient vous tenir en haleine jusqu’au bout et la mise en scène est impeccable. Parviendrez-vous à suivre le tempo jusqu’à la fin ?

Dead Snow 2: Red vs. Dead

Dead Snow 2 était parfaitement calibré pour la 32e édition du festival du film fantastique de Bruxelles (BIFFF) où j’ai eu l’occasion de le voir dans une salle chauffée à bloc. On parle ici d’une comédie d’horreur norvégienne totalement délirante mettant en scène des zombies nazis; qui est donc destinée à un public particulier. Suite au succès du premier opus qui avait peu de moyens et se déroulait aux abords d’une cabane isolée en montagne, le réalisateur Tommy Wirkola a gagné en reconnaissance et a pu réaliser cette suite beaucoup plus ambitieuse et beaucoup plus réussie. Seul survivant du premier film, Martin (Vegar Hoel) échappe de justesse aux assauts des soldats zombies en y laissant un bras. Il se réveille ensuite à l’hôpital avec un bras de zombie ensorcelé surpuissant greffé par erreur à la place du sien, ce qui va pas mal l’importuner dans un premier temps. Mais cela va également lui apporter quelques avantages au combat tels que la possibilité de balancer des uppercuts à rendre Obélix jaloux. Alors que les zombies nazis descendent sur la ville avec toujours à leur tête l’infâme Standartenführer Herzog et commencent à terroriser les habitants, Martin décide d’en finir une fois pour toutes et envoie également un appel à l’aide à la “Zombie Squad”, qui se révèle être une bande de nerds américains totalement inexpérimentés mais très motivés. Chocs des cultures américaines et norvégiennes, clins d’oeils et références geeks à tout-va, gags trash à répétition, combats spectaculaires, hectolitres de sang et détournement de toutes les règles de bienséance au cinéma font de ce film un sommet du genre à ne manquer sous aucun prétexte par les amateurs. Et j’oubliais: il y a aussi un tank !

Mentions honorables

Voici des films que je n’ai pas mis dans ma liste car ils ne m’ont pas tout-à-fait convaincu, mais qui peuvent être considérés comme de bons films:

  • Guardians of the Galaxy : un Avengers-like très divertissant.
  • Frank : plongée dans l’univers des artistes musicaux underground qui vivent sur une autre planète. La chanson de fin est géniale.
  • Foxcatcher : à voir pour Steve Carell comme on ne le voit jamais, dans un rôle inquiétant et fascinant.
  • The Wolf of Wall Street : Le film est génial et très divertissant mais comme il est sorti fin décembre 2013, ce n’est techniquement pas un film de 2014.

Le top du pire

Bien entendu, 2014 a également vu naître une quantité non négligeable de navets infâmes. Voici rapidement la liste des pires films que j’ai vus:

“I, Frankenstein”, “RoboCop”, “Transcendence”, “Brick Mansions”, “The Amazing Spider-Man 2”, “Anna”, “Willow Creek”, “The Purge: Anarchy”, “Transformers 4”, “Ninja Turtles”, “The Possession of Michael King”.

Il y en a encore probablement beaucoup d’autres que j’ai pris le soin d’éviter de regarder, tels que “Hercules”, “Sex Tape”, “Winter’s Tale”, “Annie”, “Dumb and Dumber To” … on touche souvent le fond. Et je ne vous parle même pas des comédies françaises.

J’espère que cette liste vous a plu et j’attaque la sélection 2015 !

Christophe Beyls