Une fois n’est pas coutume, je vais vous parler de hardware pur et dur, à savoir de cartes mère. Et en particulier, de deux technologies plus ou moins mystérieuses qui sont apparues récemment sur certains modèles: Instant Boot sur les cartes mère ASRock et Express Gate sur les cartes mère ASUS. Pour vous, j’ai testé ces deux technologies et percé leurs secrets inavouables.

Commençons par l’Instant Boot. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une technologie de démarrage rapide de l’ordinateur. Instant Boot ne fonctionne qu’avec Windows. ASRock prétend pouvoir faire démarrer Windows en 4 secondes! Voyons voir, il doit y avoir un truc. Ne s’agirait-il pas d’une simple mise en veille du PC, de type “suspend-to-RAM”? Non, prétend ASRock, avec Instant Boot, contrairement à une mise en veille traditionnelle, votre machine démarre dans un état “clean” avec un Windows fraîchement initialisé. Mais alors comment font-ils? Roulement de tambours… C’est idiot: Instant Boot redémarre votre PC avant de le mettre en veille! Il y a en fait deux composants: un programme Windows et le BIOS de la carte mère. Quand vous activez Instant Boot, le programme informe le BIOS qu’à la prochaine demande d’arrêt du PC, la machine ne doit pas s’arrêter mais redémarrer. Après le redémarrage, le programme qui s’ouvre avec Windows ordonne une mise en veille de la machine. Deux sortes de mise en veille sont possibles: de type S4 (le contenu de la RAM est écrit sur le disque dur et la machine s’éteint complètement) ou de type S3 (mode “rapide”, seule la RAM reste alimentée). C’est tout? Oui. En résumé, Instant Boot n’est rien d’autre qu’une technologie qui sert à redémarrer son PC lorsque qu’on l’arrête ce qui s’avère assez déstabilisant dans la pratique puisqu’on a tendance à rester devant son PC jusqu’à sa mise en veille pour vérifier qu’elle se produit bien (syndrome de la lampe du frigo) et toute cette procédure est loin d’être aussi instantanée que le démarrage après la mise en veille, elle semble même interminable. Le seul bénéfice étant le soit-disant gain en stabilité du système qu’on retrouve à la sortie de la mise en veille, ce qui est très discutable étant donné que les dernières versions de Windows ne sont quasiment plus sensibles à ces effets d’accumulation. On n’est plus à l’époque de Windows 98. Windows Vista incite d’ailleurs déjà à utiliser la mise en veille prolongée aussi souvent que possible en remplacement de l’arrêt réel de la machine. Selon moi, Instant Boot est donc une fausse bonne idée purement marketing, à laquelle on préférera la mise en veille “classique” qui est plus intéressante car elle s’exécute plus rapidement et ne demande pas de matériel ou de logiciel particulier.

Parlons maintenant d’une autre technologie de carte mère un peu plus intéressante celle-là, l’ASUS Express Gate. Il s’agit en fait d’un mini système d’exploitation démarrant en 5 secondes, qui permet d’effectuer en un clin d’oeil des tâches de base sur le PC: surf (Firefox 2), messagerie instantanée (Pidgin), téléphonie (Skype), lecture audio et affichage de photos. Ce système d’exploitation, vous vous en doutez, est basé sur un noyau Linux optimisé. Il s’agit d’une distribution spéciale nommée Splashtop qui n’est disponible que préinstallée sur certaines cartes mères ou certains PC, même si des petits malins ont déjà réussi à le faire fonctionner sur d’autres machines. Les BIOS des cartes mère ASUS disposant de la fonction Express Gate (actuellement toute la gamme P5Q) incluent un chargeur de démarrage spécial qui affiche un écran permettant de démarrer ou non cette distribution Splashtop en 5 secondes. Cet écran apparaît avant même les messages du POST. Quand tout est installé correctement, c’est génial et cela fonctionne à merveille. Le problème vient de l’installation. Où ce mini système d’exploitation est-il stocké? Sur les premiers modèles haut de gamme et très onéreux de cartes mère ASUS disposant de cette fonction tels que la P5Q Deluxe ou la P5Q Premium, Linux Splashtop était stocké dans une puce de mémoire flash installée sur la carte mère elle-même et tout fonctionnait directement sans problème. Malheureusement, pour des raisons économiques ASUS a décidé de ne plus inclure cette mémoire flash sur les modèles les plus récents de la gamme P5Q tels que la P5QL-EM que j’ai eu l’occasion de tester. Sur ces modèles, Express Gate doit être installé sur le disque dur et démarre tout aussi rapidement ou presque (il faut attendre que le disque dur ait atteint sa vitesse de rotation normale avant que l’écran d’accueil d’Express Gate s’affiche). Le hic, c’est que l’installation sur disque dur impose de nombreuses limitations ridicules. Tout d’abord, il doit s’installer sur une partition Windows, de type NTFS ou FAT32. Comble du ridicule, on est donc obligé, si on n’utilise que Linux et pas Windows, de créer une partition Windows afin d’installer… une distribution Linux. Enfin, passe encore. La deuxième grosse limitation, c’est que le chargeur de démarrage d’ASUS ne reconnaît que les disques en mode IDE et non les disques en mode AHCI. Les disques durs modernes disposent d’une interface SATA qui peut fonctionner en mode IDE pour des raisons de compatibilité, ou en mode natif AHCI. Personnellement je n’utilise que l’AHCI puisque tous les systèmes d’exploitation modernes le supportent (y compris Windows XP avec le bon pilote). Express Gate vous oblige à désactiver l’AHCI et à vous en passer complètement, afin de faire fonctionner vos disques SATA en mode IDE compatible. Vous pouvez également faire une croix sur le RAID. Merci ASUS! Mais ce n’est pas tout: ces cartes mère de la série P5Q disposent aussi pour des raisons de compatibilité d’un port IDE connecté à une puce additionnelle, étant donné que les derniers chipsets Intel ne supportent plus que les connecteurs SATA. Je me suis dit: pourquoi ne pas laisser les disques SATA en mode AHCI ou RAID, brancher un disque dur supplémentaire plus ancien sur le connecteur IDE, et installer Express Gate sur celui-ci? Pas de chance: étant donné que le connecteur IDE est géré par une puce additionnelle qui n’est initialisée qu’après le POST et qu’Express Gate est démarré en premier, celui-ci ne détecte aucun des disques branchés sur le connecteur IDE! Il vous reste quand même une solution si vous voulez utiliser Express Gate sans vous passer de l’AHCI ou du RAID: l’installer sur une clé USB, même si le chargement de Splashtop sera plus lent dans ce cas. En conclusion, Splashtop est une technologie extrêmement intéressante et novatrice, mais son implémentation par ASUS sous la forme de l’Express Gate avec installation sur disque dur vous obligera à faire trop de concessions afin de pouvoir en profiter. Espérons qu’ils corrigent ces défauts dans une nouvelle implémentation.

Voici donc deux technologies de cartes mère qui partent d’une idée accrocheuse mais font vite déchanter. L’Instant Boot s’avère au final inutile tandis que l’Express Gate, s’il est vraiment utile et impressionnant, est gâché par une implémentation laborieuse par ASUS. Etant donné les coûts réduits de la mémoire flash de nos jours, je pense qu’il serait intéressant de voir Splashtop ou un système équivalent préinstallé sur des puces de mémoire flash sur toutes les cartes mère.

Christophe Beyls